lundi 12 novembre 2012

Entre le 9 et le 14 novembre

Chez Ullstein,
En 2001
264 pages
Genre autobiographique

Cela fait des années que ce livre traine ses guettres sur ma PAL. Je l'avais acheté à Strasbourg (c'est dire si ça date) juste après mes études de traduction et mon mémoire sur Carola Stern (dont c'eût été l'anniversaire dans deux jours). Et oui, Manfred Krug et l'auteur de Doppelleben ont eu une histoire mouvementée avec le régime de l'ex RDA.

C'est à la suite d'un évèment privé que j'eus envie de découvrir, enfin, ce livre: Souvenez-vous que ma comparse toulousaine tenait ce petit café, (à la place, vous pouvez vous goinfrer de cup cakes dégueulasses bien gras et bien sucrés dans une ambiance rose bonbon...) où Manfred Krug, habitant de Berlin Charlottenburg, vint un jour de printemps. Il commanda un café de façon hautaine: "est ce que vous faites du café allemand?". Ma comparse ne se laissa pas démonter et lui servit son café en disant "Und ein Kaffee für den Mann, ein deutsches Kaffee". Mais Krug, le bourru, titulaire de la Berliner Schnautze (la grande gueule berlinoise), se révéla bien sympatique tout de même en payant le café d'un client difficile, parti sans règler sa note... Je me demande s'il a goûté aux cup cakes et ce qu'il en a pensé...

Abgehauen, participe passé du verbe abhauen qui signifie partir, se faire la malle, mais aussi s'expatrier de l'est vers l'ouest dans le jargon de l'époque en RDA. De ce fait, si l'on traduisait le titre par "parti" ou "Je me suis barré" on aurait de gros problèmes de perte sémantique voire, pour la deuxième proposition, de niveau de langue. "En cavale" serait presque approprié mais on a toujours cette perte sémantique (l'expatriation vers l'ouest) et puis être en cavale signifie, à mon sens, être toujours sur les routes, ce qui n'est pas le cas ici. Mettre les voiles, pareil. Alors pourrait-on imaginer "Les voiles vers l'ouest"; "D'est en ouest" "Cap vers l'ouest"? Quel dommage. Le titre allemand est court, sans appel, tranchant. En français, on passe par des périphrases, on perd... C'est le grand dilème des traducteurs, que je salue au passage... Personne ne s'est dévoué pour ce livre de Krug... Est-ce qu' "Exilés" pourrait être un bon titre en français?

Trève de considérations traductologiques, passons à notre auteur. Manfred Krug: acteur, écrivain et chanteur né à Duisburg en 1937. il a joué dans plusieurs épisodes de Tatort (sisi en France, la série existe, elle aussi). Juste après la Seconde guerre mondiale et le divorce de ses parents, il part vivre avec son père en RDA. Dans son livre, best seller autobiographique, Krug raconte son mal de vivre en RDA provoqué surtout par l'expatriation forcée de Wolf Biermann, un acteur subversif aux yeux de l'Etat, le 16 novembre 1976. Suite à cela des artistes et des intellectuels, dont Krug, signent une pétition pour le rappatriement de l'acteur. Ils se réunissent alors avec des membres du ministère de la culture pour les convaincre de rappatrier Wolf Biermann. Krug enregistre l'évènement et prend ainsi un énorme risque. Cette table ronde fait l'objet de la première partie de l'ouvrage.

Dans la deuxième partie, on découvre le journal intime de Krug entre le 19 avril 77, date à laquelle il remet à l'administration, une lettre d'expatriation vers la RFA et le 20 juin 77, la date de son départ. Il relate les diverses visites qu'il reçoit chez lui et les débats sur le régime communiste. La façon dont le ministère de la culture lui coupait l'arbre sous le pied, essayant de le museler, après la signature de la pétition pour Biermann; cette impression d'être constamment écouté, épié et observé, jusqu'à prendre ses meilleurs amis pour des agents de la Stasi: un univers étouffant où reigne la paranoia.

La dernière partie est constituée de documents de la Stasi sur les moindres faits et gestes de Krug avant son départ!

Pour les germanistes et germanophone, je vous recommande chaleureusement ce livre porté à l'écran en 1996 par Franz Beyer...

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